LES GAFA SONT MORTS, VIVE LES GAFABAT

GAFA :  ce doux acronyme ne doit pas vous être étranger. Google, Apple, Facebook, Amazon. Ils ont révolutionné votre quotidien à travers leurs plateformes et espaces numériques devenue incontournables voir omniscients. Pour certains, entreprises de génie, pour d’autres le côté obscur de la force, ces GAFA restent des incontournables en Europe et aux États-Unis. En effet 90% des requêtes en ligne passent par le moteur de Google et 45% des connexions internet se font à partir d’un mobile Apple. Les GAFA représentent 4H du temps dans le quotidien d’un consommateur lambda. Leur point commun : dominer le marché à tout prix en misant sur l’expérience utilisateur. Pour cela ils n’hésitent pas à investir des sommes conséquentes dans l’innovation et les starts up prometteuses de demain : Beats, Nest, WhatsApp ou Instagram pour ne citer qu’elles.

Mais voilà, ces entreprises font déjà figure de « vieilles » quand on voit l’émergence des superpuissances chinoises qui sont arrivées sur le marché, les BAT :  Baidu, Alibaba, Tencent. Il est vrai que la population chinoise a un mode de consommation numérique similaire au nôtre, mais avec leurs géants à eux.

À mon arrivée en Chine, il y a quelques mois maintenant, fini le confort de Google dès que l’on ne retrouve pas son chemin, au revoir mes apps préférées pour trouver un bon resto au coin de la rue, Ciao ma vie sociale sur mes réseaux sociaux, Adieu mes commandes de bouquins en ligne. Désemparée dans un premier temps il a fallu passer à l’adaptation…

COURTE HISTOIRE DE LA CENSURE EN CHINE

« Si vous ouvrez la fenêtre pour aérer, vous devez vous attendre à faire entrer des mouches »
Deng Xiaoping dans le début des années 80 pour parler de la censure.

La plupart des sites incontournables chez nous sont interdits ici en Chine. Les autorités gouvernementales ne bloquent pas uniquement le contenu de certains sites, mais sont capables de surveiller l’accès à l’internet de chaque personne. Le seul moyen de pouvoir accéder à vos sites préférés une fois en Chine est d’utiliser un VPN qui vous fera passer pas un serveur hors du pays.

D’ailleurs les BAT profitent allègrement de ce blocage de leurs rivaux internationaux sur le marché chinois pour favoriser la compétition domestique. Les autorités ont pour politique de privilégier leurs champions nationaux au détriment des services des géants du web américain.

Le système de censure chinois s’organise autour de 3 points principaux :

  • Une police de l’internet ultra-présente qui serait selon les dire forte de 40 000 personnes.
  • Les opérateurs privés des sites et forums avec une forme de censure habilement sous- traitée.
  • L’autocensure des internautes, des modérateurs ou hébergeurs.

Une censure forte donc que certains géants n’arrivent pas à maitriser comme Facebook par exemple censuré depuis 2009. Le motif des autorités est que le réseau social est non conforme aux règlements et aux lois du pays. En vérité, tous les médias permettant une diffusion non contrôlée, sont considérés comme subversifs et à ce titre bloqués par le gouvernement chinois.

Mais voilà, cette censure coûte au géant bleu une perte de 720 millions d’internautes potentiels. Il est vrai que conquérir le territoire chinois permettrait de débloquer un nombre d’utilisateurs considérable et de facto des revenus importants pour le réseau social. Fin 2016 une rumeur disait que Facebook s’intéressait à un moyen de venir s’implanter en Chine. La solution, un outil de censure qui pourrait cacher (ou supprimer) les posts prohibés par les lois du gouvernement chinois selon le New York Times. Cet outil empêcherait donc les internautes chinois de voir des contenus « interdits ». En l’occurrence, Facebook ne ferait pas de censure directe, mais déléguerait cette tâche à une entreprise chinoise. Une telle initiative n’est pas encore mise en place et fait partie d’une des plusieurs idées du géant pour attaquer le marché chinois.

Google de son coté a pratiqué l’autocensure jusqu’en 2010, avant de disparaître tout simplement de la toile du pays.

Les GAFA se plieraient donc au bon vouloir de la Chine pour pouvoir ainsi attaquer ce marché exponentiel et venir grappiller des parts de marché aux géants asiatiques.PETIT TOUR D’HORIZON DE CES 3 GÉANTS Baidu : le Google à la chinoise Fondé en 2000 à Pékin par Li Yanhong et Eric Xu, Baidu a fait son entrée relativement tôt sur le marché, pour devenir un géant du net et s’imposer comme la référence pour les internautes chinois. Aujourd’hui Baidu est le site le plus consulté de Chine et le 5ème site le plus consulté sur internet dans le monde. Son évolution a été exponentielle depuis sa création au point d’avoir été introduit en bourse et d’affoler le marché dès ses premières cotations. Aujourd’hui Baidu traite plus de 200 millions de recherches par jour.

Le géant chinois propose les mêmes services que Google en mettant à disposition des marketeurs quelques outils stratégiques de référencement. L’équivalent de Google Trends est Feng Yun Bang et fournit un aperçu des tendances de recherches. L’outil de Baidu va même encore plus loin avec les mots clés en y associant des données comme la popularité, la localisation ou des données démographiques. Le Baidu Keyword Research Tool renseigne quant à lui les volumes de recherches et les recherches associées.

En mai 2006 Baidu s’inspire de Wikipédia alors censuré en Chine et lance sa propre encyclopédie collaborative : Baidu Baike. Ce nouveau service est fortement censuré pour éviter de troubler l’ordre public et d’éviter l’offense au gouvernement chinois. Et on n’oubliera pas de citer la très utile Baidu Maps qui comme Google map vous permet de gérer vos trajets quotidiens.Alibaba : Amazon puissance 10 Entreprise de e-commerce créée en 1999 par Jack Ma et Peng Lei dont le siège principal se trouve à Hangzhou. La Chine connaît une nouvelle génération de shoppers qui ont la frénésie de la consommation et de l ’achat compulsif en ligne (la Chine a le plus grand nombre d’acheteurs en ligne dans le monde). Alibaba a su devenir un moyen sûr, fiable et incontournable pour les marques qui veulent vendre des produits et des services sur internet. Cette firme brasse 30 millions de commandes et de paquets par jour. Ebay et Amazon cumulés ne parviennent pas à atteindre ce chiffre mirobolant. Pour réussir ce tour de force, Alibaba a ouvert trois plateformes de e-commerce différentes :

  • ALIBABA : Une plateforme de e-commerce pour les professionnels.
  • TAOBAO : Un site CtoC. L’objectif est d’améliorer la relation entre les petits retaillers et les acheteurs. Nombre de petits commerces vivrent grâce à Taobao. Il est souvent dit que tout est trouvable sur cette plateforme, littéralement tout !
  • TMALL et son extension Tmall gobal : Le e-commerce des professionnels dédié aux particuliers. Tmall gobal est quant à lui réservé aux marques étrangères qui souhaitent s’implanter en Chine.

80% du Marketplace chinois est géré par ces 3 entités. D’année en année avec son 11/11, Alibaba ne cesse de battre ses propres records de vente.

Comme toutes les entreprises de cette envergure, Alibaba a su étendre son domaine notamment dans l’association d’expériences d’achat et réalité virtuelle avec une présentation de plusieurs magasins fin 2016 qui annonce le futur de cette entreprise.Tencent : Le Facebook amélioré Fondé en 1998 par Ma Huanteng, Xu Chenxi et Kewis Luigi Vidal, Wechat est une entreprise spécialisée dans les services internetS et mobileS ainsi que la publicité en ligne. Tencent s’est fait connaître en premier lieu via le réseau social QQ en 2000 qui est le pionnier dans les outils de communication mobile. Forte de plusieurs marques, Tencent est sur plusieurs secteurs porteurs : Social, Entertainment, information, outils et paiement. Mais leur vrai coup d’éclat arrive en 2011 avec Wechat. Avec 20 langues différentes, 850 millions d’utilisateurs et utilisé dans plus de 100 pays et notamment en Chine comme moyen de paiement, Wechat reste l’incontournable de la marque. En 2014 pour promouvoir leur application et leur nouvelle fonctionnalité de paiement, ils inventent les HongBao virtuelles (enveloppe rouge traditionnelle pour donner de l’argent en Chine), ce qui a donné 280 millions de cartes bancaires ajoutées en 1 mois. Grâce à une stratégie de « connexion » entre chaque application, ils ont su créer un écosystème ultra développé et efficace. Avec un revenu total de 40,388 millions de RMB, Tencent ne cesse d’innover avec par exemple l’arrivée des minis apps Wechat.LES BAT, DES ACTEURS AVEC QUI IL FAUT COMPTER Google, Amazon, Facebook etApple gardent une avance face à ces nouveaux géants chinois qui pèsent aujourd’hui plus de 1,946 milliards alors que les BAT eux en sont à un peu plus de la moitié (600 milliards de dollars). Cependant Baidu, Alibaba et Tencent pèsent de plus en plus lourd en bourse et multiplient les innovations pour rattraper leur retard. Cet écart entre l’Ouest et l’Est va progressivement se réduire au vu des promesses de développement de l’économie numérique. La Chine compte 721 millions d’internautes, sachant qu’une partie de la population n’a pas encore accès à internet. Les BAT ce sont plus de 1,8 milliard d’utilisateurs cumulés. L’e-Commerce représente 13% du commerce chinois et devrait croitre de 30% par an d’ici 2019. Un pourcentage loin devant la France et les États-Unis qui ont du mal à prendre le pli.

« L’e-Commerce est plus qu’une mode, c’est un mode de vie ».
Jack Ma, le fondateur d’Alibaba en Chine.

On dit trop souvent qu’en Chine les entreprises sont dans une stratégie de copie en adaptant les idées de la concurrence au marché. Aujourd’hui ces 3 acteurs ultras compétitifs sont dans une stratégie d’innovation perpétuelle qui dessine le nouveau paysage de l’industrie internationale. Pour Pictet AM « Tencent est très en avance par rapport à Facebook. Le groupe a sept sources de revenus, ce qui a limité la part de la publicité, à la différence d’un Facebook. Il a créé une plateforme qui encercle le client avec son application Wechat qui permet aussi de faire des courses, regarder des vidéos, payer sa facture d’électricité, tester le niveau de pollution ou payer les taxes locales. C’est idéal pour faire de la vente croisée ».

La suite pour les BAT ? Réussir à sortir de leurs frontières pour conquérir le reste du monde qu’ils ont encore du mal à atteindre.