L’apparition du coronavirus

Tout commença le Lundi 20 Janvier vers 10h du matin heure Shanghaienne. Après une bonne nuit de sommeil et comme tous les matins, je regarde les dernières informations sur Twitter et réponds à mes messages WeChat. Un article France Info partagé par Alexandre annonce qu’un virus qui ressemblerait au Sras (syndrome respiratoire aigu sévère) et qui avait tué près de 800 personnes dans le monde entre 2002 et 2003, a fait son apparition dans la ville de Wuhan et inquiète les autorités. Les syndromes sont clairs : fortes toux, douleurs respiratoires et fièvre soudaine.

Je vous invite d’ailleurs à lire l’article d’Alexandre, New Year, new Coronavirus, qui explique l’apparition du Sras et du coronavirus et son développement en Chine.

Le lendemain, Ondine nous partage des vidéos de plusieurs chinois, habillés de la tête aux pieds avec des tenues de protection, masques et gants, prenant la température des voyageurs dans un avion en provenance de Chine. On apprend que un premier patient atteint du coronavirus est détecté aux Etats-Unis.


 

Le Jeudi 23 Janvier, je tombe sur une vidéo d’un homme mis en quarantaine à l’aéroport de Shanghai. Plus tard dans la journée, on apprendra la mise en quarantaine de la ville de Wuhan, aucuns trains ni avions seront autorisés à quitter la ville et il sera désormais impossible de trouver des masques en pharmacie ou sur internet. Finalement, la ville de Pékin annule les festivités du Nouvel An chinois.

Le Vendredi suivant, on comptabilisait déjà 26 morts en Chine. Disneyland Shanghai ferme ses portes et 9 villes sont mises sous quarantaine. A Wuhan, un hôpital va être construit en seulement 10 jours pour faire face au coronavirus et traiter les patients de plus en plus nombreux. Nos parents commencent quelque peu à s’inquiéter.

 

Coronavirus : l'hôpital de Wuhan en construction

L’hôpital de Wuhan en construction

 

On voit le nombre de morts augmenter chaque jours un peu plus, mais on reste dans l’attente de voir comment le virus évolue. Même si mon coeur me dit de rester, ma raison, mes amis et parents me poussent à rentrer en France. Toujours pas de rapatriement mis en place malgré les 100 morts au compteur.

Le 26 Janvier on apprend que les campus ne risquent pas de réouvrir de si tôt et que la rentrée est bel et bien décalée, que Pékin ferme ses routes et que la plupart des vols depuis et vers la Chine sont en train d’être annulés. C’est la que tout s’accélère. Même si on attends une confirmation de l’école avant de prendre nos billets de retour définitif, on se doute déjà que le séjour touche à sa fin. Le soir même, quelques uns d’entre nous restés à Shanghai se réunissent, histoire de debriefer un peu la situation et de savoir ce qu’il en est pour chacun. Ce soir la, on se réunit chez Capucine, Clémence et Cécile, on débarque tous avec nos masques. Dehors il fait froid, les rues sont complètement vides et il pleut beaucoup. On dirait un film apocalyptique.

 

Coronavirus : Shanghai, ville fantôme

Shanghai, ville fantôme

 

Vers 20h, on apprend que les premières copines, Anne et Marina, ont pris leur vol retour pour… demain 11h. Du coup, c’est un peu l’effet domino. Mon téléphone vibre toutes les deux minutes, mes amies de Chine rentrent en France et elles ne seront pas les seules.

De mon côté, j’essaie déjà d’échanger mon billet de retour prévu à la base pour le 2 Mai sur le site d’Air France. Malheureusement le site est en maintenance tellement le traffic y est important. Vague de panique, j’appelle mes parents qui appèlent à leur tour Air France pour modifier le billet. Entre temps, on se coordonne pour être plusieurs à prendre le même vol de retour. Après quelques appels sans succès, mes parents arrivent à modifier mon billet de retour au Mercredi 29 Janvier, soit dans 3 jours. Au téléphone, on leur dit qu’ils ont bien fait d’appeler et que les vols de la semaine sont quasiment pleins. Tout est allé si vite.

On apprend qu’on aura surement des cours en ligne ou qu’on sera recasés dans d’autres classes en France, que l’école ne peut pas nous forcer à rentrer en France mais qu’il est fortement conseillé de rentrer. On découvre aussi également que de nombreux expatriés rentrent avec leur famille et que les entreprises françaises rapatrient leurs employés.

Quelques heures plus tard (il était 1h du matin), ma coloc Clara partie dans la campagne chinoise m’annonce qu’elle écourte son séjour et rentre plus tôt que prévu à Shanghai car tous les lieux touristiques ferment. On est désormais une dizaine à avoir nos billets de retour. Certains partent dans l’espoir de revenir, d’autres ne reviendrons plus. Tout s’est vite propagé ce soir là, comme le virus…

 

Les derniers jours en Chine

Maintenant il faut penser à faire ses valises, vider son compte en banque chinois et dire au revoir aux copains autour d’un dernier verre. Cette dernière semaine a été anxiogène.

C’est triste, mais on se dit qu’on évite la tempête, que l’aéroport de Shanghai et la ville entière risquent d’être mis en quarantaine dans les jours à venir et que les vols seront annulés.

Et ça n’a pas manqué ! Quelques jours plus tard, la compagnie Air France annonce qu’elle annule tous ses vols vers la Chine (faute de personnel naviguant). La France annonce que toutes les personnes ayant été en Chine ces dernières semaines devront rester en quarantaine 15 jours à leur retour en France histoire de voir si elles n’ont pas ramené le coronavirus.

Quant à moi, je prépare mes valises, dans l’idée de peut être revenir si tout s’arrange, mais sans rien laisser derrière moi au cas où. C’est marrant, depuis début Janvier, on avait l’habitude de chanter « Non ne reviens pas, prends tes affaires rentre chez toi… », je crois qu’on s’est porté malheur…

J’ai beaucoup de mal à dormir ces derniers jours. Je m’endors vers 6h du matin avec le bilan des morts en Chine et dans les autres pays où le coronavirus se propage et me réveille généralement vers 15h, avec d’autres nouvelles du même type. Je vois des vidéos de l’hôpital de Wuhan, des chinois toujours plus ingénieux (ou stupides) qui créent des masques et portent des combinaisons de protection toujours plus folles.

 

 

Coronavirus : Les chinois, ce peuple parfois incompris (Source : ShanghaiObserved)

Les chinois, ce peuple parfois incompris (Source : ShanghaiObserved)

 

Mardi c’est le dernier jour dans la ville fantôme qu’est devenue Shanghai. Ville qui grouillait ces derniers mois. Je discute avec ma coloc Marie arrivée depuis même pas un mois qui rentre également en France. Elle fera son stage en télétravail. Clara rentre en fin d’après midi de la campagne chinoise, on va pouvoir profiter de notre dernière soirée avec les copains. On se retrouve au Bar Centrale pour manger italien puis on bouge plus tard au Barbarian (le QG). Nous sommes nostalgiques mais contents de passer ces derniers moments ensembles.

 

Toujours les copains

Les copains

 

Les copains

 

Retour en France

Mercredi 29 Janvier, 5h30, je me réveille difficilement : j’ai dormi deux heures. C’était cool hier soir. Je dois m’habiller, fermer les valises et dire au revoir aux colocs. On a rendez-vous avec Constance (ma voisine du MBA Luxe) en bas de chez nous pour prendre un taxi pour nous déposer à l’aéroport. J’ai deux énormes valises ainsi qu’une petite. On a jamais aussi bien roulé à Shanghai, le trajet nous a prit 45 minutes. Il est 6h40, notre vol est à 11h. Capucine et Clémence nous rejoignent. On porte toutes nos masques. Tous les voyageurs aussi. On attend une heure, on dépose les bagages, on passe les contrôles. Personne ne nous prends la température. On doit juste remplir un petit papier avec nom, prénom, numéro de passeport, ville de départ et d’arrivée.

Après une heure de contrôle, on se pose enfin près de la porte d’embarquement. Quelques minutes s’écoulent et déjà on embarque. J’ai hâte de rentrer chez moi. Les 12h de vol passent lentement, on porte tous nos masques dans l’avion, même l’équipage en sous effectif.

Arrivées à Roissy Charles de Gaulle, aucune prise de température. Seulement deux personnes de la Croix Rouge nous distribuant un prospectus avec les consignes en cas de symptômes et masques. Première surprise, aucunes mesures prises en France.

 

Coronavirus : on rentre à la maison

On rentre à la maison

 

Je dis au revoir aux copines et me dirige vers l’embarquement de ma correspondance pour Nice. Dans l’aéroport, je porte toujours mon masque. On me regarde de travers. Encore une heure et demi de vol et je serai chez moi.

Quel plaisir de retrouver le sud, ma famille et mes amis ! Jeudi soir, je retrouve une amie qui bosse dans une entreprise de matériel médical pour boire un verre. Elle me ramène un masque de type N95 que ses responsables lui ont demandé de me donner. Ca me fait beaucoup rire. Elle m’explique que depuis l’apparition du coronavirus, son entreprise est en rupture de stock de masques et de thermomètres. Il paraît même que les chinois commandent des masques en France pour les envoyer à leurs familles restées en Chine.

 

Coronavirus : masque qui fait 3 fois ma tête

Masque qui fait 3 fois ma tête

 

Les journées passent et ça fait vraiment du bien de retrouver ses habitudes et la nourriture française. Je suis désormais sûre de finir mon année à Paris, pas de retour prévu en Chine pour moi. Shanghai aura été une expérience courte mais enrichissante, tant sur le plan culturel que sur le plan émotionnel. J’ai pu y rencontrer des personnes formidables que je peux maintenant appeler mes amis. On en aura vécu des choses là bas et qui sait, peut être qu’un jour on y retournera.

 

MBADMB Shanghai