Depuis quelques années, à Madagascar, l’essor d’internet s’accompagne du développement de plateformes numériques proposant des services: transport de particuliers, livraisons à domicile, vols privés, …
La Grande Île disposerait d’un capital humain capable de porter des projets entrepreneuriaux dans le secteur numérique. Retrouvez ci-dessous un entretien avec Iandry Rabe, entrepreneur dans ce secteur.
Bonjour, merci d’avoir accepté de répondre à quelques une de mes questions. Pouvez-vous vous présenter?
Je m’appelle Iandry Rabe, et je suis entrepreneur dans la tech à Madagascar. Je suis à la tête de deux plateformes numériques proposant des services de transport et de livraison de repas.
Pouvez-vous m’en dire plus sur ces plateformes de services ?
Bien sûr. La première plateforme est En2Roues, celle-ci a été crée en 2018.
Il s’agit d’une plateforme permettant de se faire livrer un repas du restaurant de son choix. A ce jour, nous travaillons avec plus de 70 restaurants partenaires pour livrer 50 repas quotidiennement. On espère pouvoir augmenter le nombre de commandes dans les prochains mois en développant une application iOS et Android. Grâce à En2Roues, plus besoin d’appeler l’établissement, ni de se déplacer pour consommer un plat proposé sur la carte d’un restaurant!
Ensuite, il y a Mobility. Du fait de la densité du trafic, se rendre d’un point A à un point B, à Antananarivo, est parfois ardu, et c’est la raison pour laquelle Mobility a été crée: avoir une mobilité plus intelligente, grâce à une plateforme de mise en relation entre un particulier et un véhicule de transport avec chauffeur (ndlr: moto ou voiture). Contrairement aux services de VTC déjà existants en Europe ou à l’étranger qui emploient des travailleurs indépendants, nous disposons de notre propre flotte de véhicules. Nous ambitionnons d’offrir un service de qualité, avec des normes de sécurité quasi-identiques à celles qui existent à l’étranger.
Finalement ces deux plateformes permettent de répondre à divers défis rencontrés dans un pays comme Madagascar, notamment en terme de logistique et de déplacement.
En fait, j’ai tendance à nous qualifier de « Uber et Deliveroo malgaches » à la différence que nous ne faisons pas encore appel à des travailleurs indépendants.
Pourquoi avez-vous décidé d’investir dans le secteur de la tech ?
On remarque que les prix pour se connecter baissent, et que l’usage des smartphones tend à se démocratiser. L’Etat malgache et les télécoms ont permis un réel développement d’internet sur la Grande Île. Pour vous dire, le nombre d’internautes a plus que triplé en l’espace de 4 ans – passant de 1,8 millions en 2018 à 6,43 millions en 2022, ce qui a constitué alors le socle pour démarrer nos activités dans le secteur.
Le nombre toujours croissant d’internautes et la digitalisation progressive du pays ont généré des opportunités, qu’avec mon associé, nous avons réussi à saisir.
De plus, je suis persuadé que le numérique est un éminent levier de développement pour Madagascar: c’est un secteur qui est un véritable vecteur d’emplois, d’inclusion sociale, et d’opportunités économiques. Tout comme l’Afrique, Madagascar se doit d’emprunter un chemin de développement, via les technologies numériques.
Après, j’aimerais tout de même ajouter que dans ce secteur, il ne suffit pas de calquer des modèles de business déjà existants, mais de les adapter aux réalités locales.
Dans un pays en voie de développement, quels sont les avantages et les inconvénients d’une « ubérisation » des services ?
Tout d’abord, si on parle d’avantages, la progression de ce phénomène d’uberisation pourrait potentiellement contribuer à réduire le fort taux de chômage et d’informaliser de l’emploi à Madagascar.
Cela pourrait permettre une meilleure reconnaissance des indépendants sur la Grande Île, et ouvrir la voie à une formalisation de leurs activités, ce qui, intrinsèquement, permettrait aux travailleurs d’avoir accès à des prestations sociales (Sécurité Sociale, …).
Le développement de ce modèle rencontre toutefois des obstacles à Madagascar.
Tout à l’heure je disais que le développement d’internet et du smartphone était bénéfique pour l’ubérisation des services. Néanmoins, le nombre de malgaches disposant d’un smartphone reste encore limité, et l’achat systématique de crédit téléphonique pour accéder à internet constitue un frein au plein développement de ce modèle. À l’étranger, les clients disposent d’offres mobiles permettant de surfer de manière illimitée sur la toile. Cela facilite grandement l’accès aux services uberisés.
De plus, faire appel à des prestataires implique que ces derniers répondent à certaines exigences en termes de qualité, ou même de sécurité. Dans le cas de Mobility par exemple, si on décide « d’uberiser » un chauffeur, ce dernier doit nécessairement disposer d’une assurance. On ne peut pas suffisamment le garantir à Madagascar.
Un autre inconvénient lorsqu’on parle d’ubérisation à Madagascar est l’insuffisance de textes légaux pour encadrer l’entrepreneuriat numérique. Néanmoins, ça peut être considérer comme une bonne chose car si il n’y a pas de restrictions dans la conception des produits numériques, les talents peuvent librement produire leurs applications.
L’aspect négatif de cette absence de législation réside dans le fait que les créateurs ne sont pas protégés. Je pense notamment à la propriété intellectuelle.
Merci !