En 2007, la Chine a imposé des restrictions à l’accès aux jeux vidéo pour les mineurs mais les enfants ont trouvé des moyens de duper le système

La Chine a l’une des réglementations liée aux jeux vidéo les plus strictes au monde. Le gouvernement chinois soutient depuis longtemps qu’il doit “protéger les mineurs contre la dépendance au jeu vidéo”. Il le fait en poussant les entreprises à limiter toute personne de moins de 18 ans à seulement 90 minutes de jeu par jour et trois heures pendant les vacances.

Pourtant, cela n’a pas empêché les mineurs chinois de trouver des failles dans le système pour jouer plus longtemps à leurs jeux préférés et d’accumuler d’énormes factures de dépenses dans ces mêmes jeux. C’est devenu un si gros problème que la nouvelle agence d’État Xinhua a publié un article accusant les entreprises de jeux de fermer délibérément les yeux sur la situation.

Cependant, à mesure que les réglementations deviennent de plus en plus strictes, les enfants trouvent des solutions de rechange toujours plus créatives. Le phénomène lui-même n’est pas tout à fait nouveau. Les enfants apprennent de nouvelles façons de jouer au système depuis l’introduction des systèmes d’enregistrement de noms réels en 2007. Fausses cartes d’identité, salles d’arcades avec mise à disposition de smartphones dernière génération, certains se font même passer pour des grands-parents pour pouvoir dépasser la limite de 90 minutes par jour et éviter le système anti-addiction du gouvernement. En raison de contraintes techniques, il y a toujours des échappatoires qui permettent aux mineurs de saisir de faux renseignements, d’acheter des comptes pour adultes ou d’utiliser le compte de leurs parents pour contourner ces restrictions.

 

 

Une industrie à part entière

Tout d’abord, la forte demande des jeunes joueurs a créé une industrie dédiée à fournir aux mineurs de faux titres de compétences pour les adultes pour l’enregistrement de nom réel. Et l’achat de ces références est aussi facile que la recherche sur des plateformes de commerce électronique comme Taobao d’Alibaba ou Xianyu. Ceux qui ne veulent pas acheter leurs propres titres de compétences peuvent simplement se rendre dans une arcade pour smartphones, un endroit semblable à un cybercafé où les enfants peuvent jouer à des jeux pour seulement 1 yuan de l’heure.

De plus, tous les jeux ne nécessitent pas de telles contraintes pour contourner les restrictions. L’année dernière, la China Consumer Association a constaté que 17 jeux sur les 50 titres populaires qu’il a testé pourrait être facilement accessible avec de faux numéros d’identité.

 

 

Les choses semblent avoir empiré pendant la pandémie de Covid-19 avec une forte augmentation de la fréquentation des mineurs sur les jeux vidéo. Beaucoup de parents ont pu constater que leurs enfants gaspillaient toutes leurs économies sur les jeux. Le conseil de protection des consommateurs dans le centre technologique à Shenzhen, a reçu 360% plus de plaintes concernant les dépenses des mineurs en jeux pendant la période de confinement obligatoire du pays que l’année dernière. Près de 14% des plaintes indiquent que les mineurs auraient dépensés plus de 10 000 yuans soit plus de 1 200€, une somme astronomique pour des mineurs !

Il s’est avéré difficile de mettre un terme à cette augmentation massive des dépenses. Le pays a introduit en novembre dernier ses mesures anti-addiction les plus strictes. L’Administration nationale de la presse et des publications (SAPP : State Administration of Press and Publications), l’organisme chargé de la régulation des jeux vidéo en Chine, a limité le temps de jeu et le montant que les mineurs pouvaient dépenser.

 

 

Tencent et NetEase, initiateurs des régulations

Les géants du gaming chinois Tencent et NetEase avaient déjà introduit des règles plus strictes pour leurs propres jeux car ils ont tout intérêt à satisfaire les régulateurs de jeux comme la SAPP s’ils ne veulent pas voir leurs jeux blacklistés ou censurés. Honour of Kings et la version locale de PUBG Mobile, deux jeux Tencent très populaires en Chine, recoupent désormais les identités avec les bases de données de la police. Les deux entreprises vont même jusqu’à offrir aux parents une option pour virer leurs enfants du jeu quand ils le veulent. Tencent utilise également plus d’outils de haute technologie comme la reconnaissance faciale et le machine learning pour s’assurer que les enfants respectent les restrictions de jeu. La reconnaissance faciale est utilisée depuis 2018 dans Honour of Kings, un jeu vidéo que les médias d’État chinois appelaient autrefois un “véritable poison” pour la jeunesse chinoise.

Mais il semble que même les solutions avancées mises en place par les géants de la technologie chinoise ne peuvent empêcher les mineurs d’assouvir leur besoin de jouer. Tencent a déjà signalé certains des moyens créatifs réalisés par les enfants pour contourner les restrictions. Par exemple, scanner le visage de sa mère pendant qu’elle dort après s’être secrètement inscrite avec son nom…

Une autre ruse consistait à demander à une personne travaillant dans un snack ou dans un bar de se faire passer pour un parent pour convaincre le service clientèle que le jeu en question n’a pas besoin d’être restreint. Les enfants qui ne peuvent pas convaincre un adulte de passer l’appel pouvaient aussi essayer de se pincer la gorge pour se faire passer pour leur grands-parents. Quelle imagination !

 

Chinese people on their phone on the metro station

 

Dernièrement, Tencent a mis à jour son système anti-addiction et a annoncé qu’il sera lentement déployer sur d’autres jeux que Honour of Kings. L’entreprise a déjà expliqué qu’elle utilisera le machine learning pour déterminer si un joueur est mineur en évaluant son comportement en jeu. Les joueurs de plus de 60 ans, par exemple, sont plus scrutés.

Pour empêcher les moyens de contourner ces restrictions de se retrouver sur le marché noir, Tencent garde secrète la liste complète des critères qu’il analyse. Et il est possible que le géant de la tech trouve un certain succès ici à mesure que la technologie évolue. Quoi qu’il en soit, les mineurs chercheront toujours à trouver des échappatoires dans le système afin qu’ils puissent contourner les restrictions, mais cela devient de plus en plus difficile à mesure que les solutions de lutte contre l’addiction sont basées sur une technologie de plus en plus sophistiquées.

Contrairement à Tencent et NetEase, nos deux géants du gaming, il est plus difficile pour les petites entreprises de jeux vidéo de mettre en œuvre leurs propres systèmes anti-addiction. Tencent travaille désormais sur la licence de son propre système. À la fin du mois, les organismes de réglementation commenceront à vérifier les jeux qui ne respectent pas les restrictions imposées aux mineurs. Ceux qui ne le font pas devront se conformer le plus tôt possible. Affaire à suivre…

 

 

N’hésitez pas à aller lire mon article qui traite également du gaming en Chine : DouYu, le Twitch chinois

 

 

Sources :

JournalduGeek

Les Echoes

South China Morning Post