Rencontrez Sonia Szczerbinski, fondatrice de l’agence The V Factory Paris Shanghai spécialiste du digital en Chine.

Elle nous donne des informations importantes sur le marché chinois et nous indique comment communicants et marques doivent s’en servir.

Je la remercie pour le temps consacré à cette interview.

 

Bonjour, est-ce que vous pouvez vous présenter en quelques lignes ?

 

Bonjour j’ai créé il y a 5 ans l’agence The V Factory Paris Shanghai. Nous accompagnons les marques premium et maisons de luxe dans la définition et la mise en œuvre de leur stratégie digitale en Chine. Notre activité se structure autour de 3 piliers : la formation, le strategic consulting et la mise en œuvre opérationnelle.

 

Qu’est-ce qui vous a donné envie de travailler avec la Chine ? Connaissiez-vous l’écosystème chinois avant ?

 

Cela fait quasiment 10 ans que je travaille sur le sujet.

 

J’ai un parcours mixant entreprenariat et direction générale dans divers secteurs comme les médias, fashion et premium food.

Quand j’ai vendu ma première boîte, j’ai repris mes études à l’Essec, avec pour objectif de continuer mon parcours dans le luxe avec une dimension internationale et une forte place pour le digital que j’avais déjà beaucoup pratiqué dans mes précédents jobs.

La Chine, pays pour lequel j’ai toujours eu un fort intérêt, a très vite émergée. Elle était déjà un véritable enjeu pour le secteur luxe, c’était un sujet stratégique à adresser et nous avons mené un projet sur le développement d’une plateforme digitale qui connectait les voyageurs chinois indépendants aux marques de luxe pendant ce cursus à l’Essec. Nous avons à travaillé sur ce projet avec une approche très entrepreneuriale. Nous avons testé notre offre auprès de l’audience Chinoise, et bien sûr auprès des groupes de luxe. L’appétence des maisons pour le sujet Chine était fort, stratégique, c’était il y a presque 10 ans, ça l’est encore plus aujourd’hui. Je suis ensuite partie en Chine, pour être immergée dans le marché, puis j’ai créé l’agence.

 

Nous savons que les consommateurs chinois ont un mindset différent, quelles sont les stratégies marketing qui marchent en Chine ? 

 

Avant tout il faut comprendre que la Chine est un pays complexe avec un environnement digital spécifique et un consommateur ultra exigeant.

Il faut prendre conscience que personne n’attend personne en Chine. Pour se développer là-bas, cela prend du temps, de l’engagement et cela demande de comprendre vraiment le marché et sa culture. Il faut s’y adapter.

Il est nécessaire d’identifier les points de contacts pertinents et travailler un niveau de branding, de content et d’activations qui ne soient pas top down mais user-centric, suscitant une forte connexion émotionnelle.
En ce sens, il est nécessaire de mettre l’utilisateur au centre du système avec une vraie volonté de s’y connecter via des actions qui vont le toucher et qui vont répondre à ses problématiques, ses besoins, ses envies etc.

Le digital est bien sur incontournable, il n’y a plus de frontière entre on et off line en Chine. Les marques doivent avoir en tête de servir le consommateur où qu’il soit, quel que soit le moment de la journée.

Les Kols sont clés sur le marché chinois, il est nécessaire de les intégrer dans une stratégie marketing car ils permettent de développer la visibilité et la crédibilité d’une marque, d’influencer le marché. Une campagne KOL doit être travailler de manière précise.
Identifier le KOL qui correspond à votre marque, établir une relation constructive, co-constuire le dispositif et le contenu sont des éléments clés dans la réussite d’une campagne.
Les choses évoluent pour influencer le marché, au-delà des KOLs, vers des collaborations notamment avec des marques ou artistes locaux qui permettent de se connecter encore davantage à l’audience chinoise.

Egalement, tout ce qui va avoir attrait au shoppertainment, les pop expériences, l’interaction via les mini programs, permettant de construire la relation avec l’utilisateur, faciliter l’accès à la marque et aux produits via l’expérience et le service, sont aujourd’hui incontournables.

La Chine est par essence un eco-système de social shopping et il faut jouer avec ces règles là.

 

Avec le COVID-19, la consommation des Chinois a été bousculée. On pense au e-commerce ou au voyage notamment. Pouvez-vous nous en dire plus ?

 

Le Covid-19 a accéléré encore plus la digitalisation et l’utilisation du digital dans l’acte d’achat. Aujourd’hui 50% des ventes en ligne sont faites en Chine au niveau mondial. C’est énorme. On ne peut pas avoir cette proportion de vente en ligne sans qu’il y ait une accélération digitale que ce soit en terme de nombre d’utilisateurs mais également de développement de l’usage.

Cela ne peut pas se faire non plus sans une infrastructure logistique optimale pour servir les consommateurs. Le Covid a permis d’accélérer la digitalisation, l’aspect logistique et cet accès naturel au commerce via le digital.

Pour autant le retail physique n’a pas perdu sa place dans son rôle expérientiel et de point de contact utilisé par les Chinois dans leur décision d’achat. Il a vraiment sa place à jouer mais sous un autre angle : l’expérimentation de la marque pour décider de son achat.

Au niveau de la consommation luxe, il est aujourd’hui porté par la consommation interne. Tout est fait pour encourager la consommation à l’intérieur du pays. Il y a un développement des zones Duty Free avec Hainan et bientôt Shenzhen et Shanghai, avec une facilitation de la possibilité d’acheter dans ces zones sur simple présentation d’un titre de transport et ce pendant 6 mois après le voyage.

Il y a un vrai soutien à la consommation intérieure sur les produits de luxe et la consommation interne au global porté par le trend Guochao (National Pride).

 

WeChat est l’application la plus populaire en Chine actuellement. Pensez-vous qu’elle pourrait détrôner les réseaux sociaux occidentaux un jour ?

 

Je pense que WeChat est fait par et pour les Chinois. Il faudrait davantage de collaboration au niveau international entre WeChat et par exemple les établissements bancaires, qu’il y ait plusieurs langues possibles, que les fonctionnalités soient beaucoup plus ouvertes au reste du monde mais pour l’heure ce n’est pas le cas.

Aujourd’hui la question est : est-ce que les grands réseaux sociaux occidentaux (Facebook Instagram etc.) pourront être au niveau de WeChat. Je pense qu’ils ont raté le coche et ils le savent. Le monde occidental n’a pas encore cette approche écosystémique qui permet de cumuler social, shopping, payment, CRM dans une seule et même plateforme.

 

Quels sont les points importants appris depuis la création de l’agence ?

 

J’apprends tous les jours car ce marché va extrêmement vite et il est nécessaire de le suivre en permanence.

Les Européens ont encore de la difficulté à comprendre ce pays. Il y a tout un tas de préjugés assez incroyables, ils sont ancrés là-dessus et pensent que la Chine les attend. C’est notre rôle d’expliquer que ce n’est pas le cas.

La Chine est un pays où tout est possible mais rien n’est facile. Il faut apprendre à toujours rebondir, faire du test and learn en permanence.

 

Et du coup quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui voudrait se lancer dans ce monde ?

 

Ne jamais rien lâcher. Si l’on a un objectif un projet en tête, et que l’on y croit, il faut travailler, beaucoup, mais surtout ne pas lâcher son projet.

Enfin, il faut être aussi agile car nous sommes dans un monde qui évolue de plus en plus vite et qui est incertain. Il faut être agile pour pouvoir s’adapter.